Changement de genre et état civil
La question de l’identité des personnes LGBT est depuis de nombreuses années en totale mutation.
La sphère juridique n’échappe évidemment pas à cette réflexion tandis qu’elle recueille de nombreuses sollicitations et se trouve même devenir le creuset des questions relatives aux changements d’état civil.
Les remises en cause de principes acquis précédemment ont cependant été désormais actées.
La Loi n°2016-1547 du 18 novembre 2016 dite de modernisation de la Justice du 21ème siècle a ainsi fait largement progresser les droits des personnes et le Droit en la matière.
Elle a modifié les dispositions du code civil jusqu’alors applicables et qui étaient susceptibles d’être opposées au demandeur à la rectification de son état civil.
En vertu de l’article 61-5 du code civil (issu de cette Loi du 18 novembre 2016) « Toute personne majeure ou mineure émancipée qui démontre par une réunion suffisante de faits que la mention relative à son sexe dans les actes de l'état civil ne correspond pas à celui dans lequel elle se présente et dans lequel elle est connue peut en obtenir la modification.
Les principaux de ces faits, dont la preuve peut être rapportée par tous moyens, peuvent être :
1° Qu'elle se présente publiquement comme appartenant au sexe revendiqué ;
2° Qu'elle est connue sous le sexe revendiqué de son entourage familial, amical ou professionnel ;
3° Qu'elle a obtenu le changement de son prénom afin qu'il corresponde au sexe revendiqué; »
L’article 61-6 ajoute : « La demande est présentée devant le tribunal de grande instance.
Le demandeur fait état de son consentement libre et éclairé à la modification de la mention relative à son sexe dans les actes de l'état civil et produit tous éléments de preuve au soutien de sa demande.
Le fait de ne pas avoir subi des traitements médicaux, une opération chirurgicale ou une stérilisation ne peut motiver le refus de faire droit à la demande.
Le tribunal constate que le demandeur satisfait aux conditions fixées à l'article 61-5 et ordonne la modification de la mention relative au sexe ainsi que, le cas échéant, des prénoms, dans les actes de l'état civil. »
Ces dispositions récentes ont bien bouleversé le droit existant (essentiellement jurisprudentiel) et élargi la recevabilité de la demande en changement de genre, allant au-delà des conditions posées par l’état du droit antérieur et la circulaire du 4 mai 2010 (JUSC1012994C), en l’assouplissant considérablement pour les requérants.
Notamment, il n’est plus désormais nécessaire pour le demandeur de justifier de suivi de traitements médicaux, d’une opération chirurgicale, voire d’une stérilisation (cf. article 61-6 du code civil alinéa 3).
D’ailleurs, dans le dossier de présentation de la Loi de modernisation de la Justice du 21ème siècle, Monsieur URVOAS, dernier Garde des Sceaux de la Présidence de la République de M. HOLLANDE, confirmait l’abandon des exigences stigmatisantes précédentes en ces termes (page 9 du dossier in ‘2. Pour une justice plus simple’) :
« Une procédure a été créée avec des critères plus souples mais soumis à l’appréciation d’un juge qui, en tout état de cause, ne pourra refuser de faire droit à une demande pour un motif médical. La loi de modernisation de la justice du 21e siècle prévoit une procédure de changement de sexe totalement démédicalisée : la personne n’aura pas plus à prouver qu’elle a subi préalablement un traitement médical ayant pour effet de rendre irréversible son changement de sexe. »
Le Politique est là intervenu a contrario de certaines juridictions qui admettaient encore peu le bouleversement sociétal qui s’était enclenché.
De plus, l’article 8 de la convention Européenne de la Sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales fonde les demandes en changement de genre et légitime l’action politique menée en ce sens, puisqu’il dispose que toute personne a droit au respect de sa vie privée.
S’agissant des personnes atteintes du syndrome de transsexualisme, qui se définit en psychiatrie comme le sentiment d’appartenir au sexe opposé, associé le plus souvent au désir de changer de sexe, ce droit au respect de la vie privée implique que puisse être, à la demande de la personne intéressée, changée la mention portée du sexe sur son acte de naissance.
A cet égard, la Cour de Cassation, depuis un arrêt de principe (Cass. Ass. Plen. 11/12/1992 pourvoi n°91-11900), a précisé que lorsqu’à la suite d’un traitement médico-chirurgical, une personne présentant le syndrome de transsexualisme ne possède plus tous les caractères de son sexe d’origine et a pris une apparence physique la rapprochant de l’autre sexe, auquel correspond son comportement social, le principe du respect dû à la vie privée implique que son état civil indique désormais le sexe dont elle a l’apparence.
Cependant, pour appuyer une requête en changement de genre et en modification d’état civil, il peut rester encore prudent d’aborder la question sous l’angle du cheminement et des opérations rendant un changement de sexe irréversible.
L’appréciation du juge sur le bien-fondé de la démarche reste à cet égard primordiale et cette démarche doit faire l’objet d’un accompagnement précis pour éviter tout rejet.
Le requérant peut – et non doit - établir avoir fait procédé à une phalloplastie ou un vaginoplastie, ou être sur le point de le faire, pour parachever ses changement.
Peuvent être évoquées évidemment en outre l’accompagnement psychiatrique et les autres interventions lourdes mises en œuvre ou simplement prévues (mastectomie masculinisante, hystérectomie, ovariectomie, etc.)
Des documents sur le suivi de l’hormonothérapie viendront compléter la requête utilement, ainsi que des attestations des proches et connaissances quant à la démarche médicale entreprise, et sur la reconnaissance du nouveau genre.
Tout cela sera éventuellement abondé par des documents établissant une prise en charge médicale, notamment dans un service d’endocrinologie, pour aboutir à opération de réattribution sexuelle mettant en conformité l’apparence corporelle et l’identité de genre masculine ou féminine revendiquée.
Il est même intéressant d’établir à cet égard que l’expérience en vie réelle est réussie.
L’ensemble de ces moyens de droit et des preuves à apporter est donc à examiner sous ces différents angles à l’effet, sur le fondement des dispositions de l’article 60, 61-5 & 99 du Code Civil, de solliciter la rectification d’un état civil sur un acte de naissance à savoir que la mention « sexe masculin » figure désormais sur son acte de naissance aux lieu et place de celle de « sexe féminin » ou l’inverse selon le cas.
Ainsi pourront être ordonnées la transcription de la décision sollicitée sur les registres de l’état civil et la mention de son dispositif en marge de l’acte de naissance de l’intéressé (e).
Au surplus, il sera relevé que la procédure doit être menée au contradictoire du Ministère Public et qu’il incombera à ce dernier de procéder à la transcription de la décision intervenue sur les registres de l’état civil par application des dispositions de l’article 61-7 du code civil et 1055-9 du code de procédure civile.
Les difficultés ne sont pas pour autant encore toutes levées.
D’une part, les voies de recours restent ouvertes au Ministère Public contre le jugement rendu (cf. article 1055-6 du code de procédure civile).
D’autre part, le tribunal ne peut ordonner la modification des prénoms – qui va en général avec le changement de genre demandé – dans les actes de l’état civil des conjoints et des enfants après avoir constaté le consentement des intéressés ou de leurs représentants légaux (cf. article 1055-9 du code de procédure civile).
En conséquence, c’est désormais la question de la confection d’un livret de famille modifié ou pas qui va se poser aussi bien pour la personne bénéficiant du changement d’état civil que pour son conjoint et ses enfants, au regard du respect de la propre vie privée de ces derniers.
Par Me Alexis Devauchelle, avocat spécialiste de l’appel,
12 rue de la République
45000 ORLEANS
Tel. 02 38 78 19 85 / fax. 02 38 78 19 86
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