Alexis Devauchelle

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LA NOUVELLE SAISINE DE LA COUR d’APPEL

LA NOUVELLE SAISINE DE LA COUR d’APPEL

Depuis le 1er septembre 2024, la déclaration d’appel et la déclaration de saisine après cassation doivent répondre à de nouvelles exigences.

Le décret n°2023-1391 du 29 décembre 2023 dit de « simplification de la procédure d’appel en matière civile » a en effet apporté des précisions sur les formes désormais requises, ainsi qu’introduit des modifications notables sur celles-ci.

L’objectif de clarification de la réforme n’apparaît cependant pas atteint, puisque les sanctions aux manquements à ces actes ne sont pas toujours clairement évoquées.


1- L’APPEL DANS LES MATIERES AVEC REPRESENTATION OBLIGATOIRE

A propos de la déclaration d’appel telle qu’énoncée à l’article 901 nouveau du code de procédure civile, plusieurs points majeurs (au nombre de 6) doivent être évoqués successivement.

Le nouvel article 901 du code de procédure civile est désormais réécrit comme suit :

« La déclaration d'appel, qui peut comporter une annexe, est faite par un acte contenant, à peine de nullité :
1° Pour chacun des appelants :
Lorsqu'il s'agit d'une personne physique, ses nom, prénoms, profession, domicile, nationalité, date et lieu de naissance ;
b) Lorsqu'il s'agit d'une personne morale, sa forme, sa dénomination, son siège social et l'organe qui la représente légalement ;
2° Pour chacun des intimés, l'indication de ses nom, prénoms et domicile s'il s'agit d'une personne physique ou de sa dénomination et de son siège social s'il s'agit d'une personne morale ;
3° La constitution de l'avocat de l'appelant ;
4° L'indication de la cour devant laquelle l'appel est porté ;
5° L'indication de la décision attaquée ;
6° L'objet de l'appel en ce qu'il tend à l'infirmation ou à l'annulation du jugement ;
7° Les chefs du dispositif du jugement expressément critiqués auxquels l'appel est, sans préjudice du premier alinéa de l'article 915-2, limité, sauf si l'appel tend à l'annulation du jugement.
Elle est datée et signée par l'avocat constitué. Elle est accompagnée d'une copie de la décision et sa remise au greffe vaut demande d'inscription au rôle. »


1.1- Les mentions de la déclaration d’appel quant à la désignation des parties sont précisées comme auparavant, sans plus aucun renvoi aux articles 54 et 57 du code de procédure civile, contrairement à ce qui avait été pratiqué jusque là.

Ces mentions n’ont toutefois pas changées.

Et un manquement à celles-ci induit une nullité de forme, sanctionnable uniquement si un grief est démontré par la partie adverse et si elle n’est pas complétée jusqu’à ce que le juge statue, et ce dans le cadre d’un incident introduit devant le Conseiller de la mise en état.


1.2- L’article 901 nouveau du code de procédure civile prévoit que la déclaration d’appel adressée par le RPVA peut comporter une annexe, notamment pour préciser l’objet de l’appel et mentionner les chefs attaqués de la décision soumise à la censure de la Cour.

La réponse déjà apportée à la question de la validité de l’annexe à la déclaration d’appel n’est pas remise en cause par le décret du 29 décembre.

Le décret ne remet en effet pas en cause la jurisprudence précédente portant sur la présence d’une annexe.

D’une part, le recours à l’annexe à la déclaration d’appel n’est pas subordonnée à l’existence d’un empêchement technique.

Son usage est donc complètement libre. D’ailleurs, le texte supprime l’expression « le cas échéant » qui figurait à l’article 901 ancien et qui avait amené la jurisprudence à la condamner, avant qu’un texte modificatif ne la valide ensuite.

Cf. Avis 8 juin 2022 n°22-70.005

D’autre part, il n’est pas obligatoire de préciser, dans le corps de la déclaration d’appel (fichier XML), qu’un fichier est joint à titre d’annexe (même si cela est conseillé). Cela n’induit aucune nullité ou privation de l’effet dévolutif de l’appel.

Cf. Civ 7 mars 2024 pourvoi n°22-23.522


1.3- L’objet de la demande en appel doit être désormais mentionné dans le corps de la déclaration d’appel (la fameuse petite case libre sur l’écran du RPVA).

Il faut donc préciser désormais si l’appel tend à l’infirmation ou l’annulation de la décision soumise à la censure de la Cour.

Cela constitue une modalité nouvelle qui n’était alors imposée par la jurisprudence que pour les conclusions d’appel, mais pas la déclaration d’appel.

Rien n’interdit pour l’auteur de la déclaration d’appel de préciser un double objet de son appel : infirmation et / ou annulation  (voire même nullité), l’un pouvant être un subsidiaire de l’autre.

La jurisprudence applicable précédemment est caduque, puisque la Cour de cassation n’incluait pas cette exigence pour la déclaration d’appel, mais seulement pour les conclusions d’appel.


Le texte ne prévoit aucune autre sanction qu’une nullité de forme à l’égard  d’un défaut de cette mention portant sur l’objet de l’appel. Il appartiendra cependant à la jurisprudence et donc aux juridictions de préciser les effets d’un éventuel manquement.

A ce titre, aux termes de sa circulaire du 2 juillet 2024, la Direction des Affaires Civiles et du Sceau a mentionné qu’il n’y avait aucune autre sanction sur ce point que celle de la nullité de l’article 901 alinéa 1 pour vice de forme, mais cela reste à déterminer, car le défaut peut également renvoyer à un appel dénué d’objet, et comme tel n’emportant pas saisine valable de la Cour, et - subséquemment - irrecevable.

Il est à craindre, en réalité, que l’acte qui ne mentionne pas l’objet du recours prive l’appel d’effet dévolutif, étant observé qu’il s’agit déjà de la position de la Cour de cassation quant à cette mention ‘obligatoire et sacramentelle‘ devant déjà figurer sur les conclusions d’appel et d’appel incident.

La caducité de la déclaration d’appel de ce chef pourrait donc être soulevée devant le Conseiller de la mise en état, ou le président de chambre, voire relevée d’office par la Cour de ce chef.

Cf. 2ème Civ. 4 nov 2021 pourvoi 20-15766
Cf. 2ème Civ. 23 mai 2024 pourvoi n°22-15408


1.4- Les chefs du dispositif du jugement expressément critiqués doivent encore figurer sur la déclaration d’appel, sauf si l’appel tend à l’annulation du jugement.

La réforme a donc précisé à cet égard « les chefs du dispositif du jugement » au lieu et place des « chefs du jugement ».

L’article 562 du code de procédure civile - relatif à l’effet dévolutif de l’appel - a été également modifié en ce sens et énonce désormais que « l’appel défère à la cour la connaissance des chefs du dispositif du jugement qu’il critique expressément et de ceux qui en dépendent. Toutefois la dévolution opère pour le tout lorsque l’appel tend à l’annulation du jugement ».

A la lecture du décret, il y aurait donc lieu de se limiter à reprendre les éléments du dispositif de la décision attaquée, sans aller au-delà, notamment en cas d’omission de statuer par le premier juge.

Dans ce cadre, il faut encore relever :

Que l’exception précédente - qui portait sur les chefs indivisibles du jugement - a disparu, et ne permet plus de s’affranchir de la mention des chefs attaqués de la décision,

Mais que la signification des premières conclusions en appel permettra de compléter ces chefs attaquées le cas échéant, d’où le renvoi à l’article 915-2 du code de procédure civile.


1.5- Certains points de forme de la déclaration ont été maintenus, mais n’ont un intérêt que si l’appel doit être formé en version papier, dès lors qu’il existerait un empêchement technique extérieur à l’avocat susceptible d’empêcher sa transmission par RPVA et ainsi :

. La mention de la Cour saisie,

. La signature de l’avocat,

& la date de remise de la déclaration d’appel.


1.6- Enfin, la déclaration d’appel entraine l’orientation de l’affaire (article 905) soit selon la procédure à bref délai avec information de la date possible de la clôture, soit devant le Conseiller de la mise en état.

A cet égard, il doit être observé que le greffe doit en aviser les avocats et formule une invitation de conclure une convention de procédure participative de mise en état.

 


2- L’APPEL DANS LES MATIERES SANS REPRESENTATION OBLIGATOIRE

Le décret modifie l’article 933 du code de procédure civile, qui guide la rédaction de la déclaration d’appel, et est rédigé comme suit:

« La déclaration d'appel comporte les mentions suivantes :
1° Pour chacun des appelants :
Lorsqu'il s'agit d'une personne physique, ses nom, prénoms, profession, domicile, nationalité, date et lieu de naissance ;
b) Lorsqu'il s'agit d'une personne morale, sa forme, sa dénomination, son siège social et l'organe qui la représente légalement ;
2° S'il y a lieu, le nom et l'adresse du représentant de l'appelant devant la cour ;
3° Pour chacun des intimés, l'indication des nom, prénoms et domicile de la personne contre laquelle l'appel est formé ou, s'il s'agit d'une personne morale, de sa dénomination et de son siège social ;
4° L'indication de la décision attaquée ;
5° L'objet de l'appel en ce qu'il tend à l'infirmation ou l'annulation du jugement ;
6° Les chefs du dispositif du jugement expressément critiqués auxquels l'appel est limité. A défaut, la cour est réputée saisie de l'ensemble des chefs du dispositif du jugement.
La déclaration est datée, signée et accompagnée de la copie de la décision. »

Là encore, le renvoi aux dispositions de l’article 54 du code de procédure civile disparaît et l’article  933 s’autonomise donc.


Les points les plus saillants sont les suivants.


2.1- Primo, si l’objet de l’appel doit être précisé (infirmation / annulation), aucune sanction n’est expressément évoquée en cas de manquement à cette forme, et la Direction des affaires civiles et du Sceau précise encore que cette mention n’est assortie d’aucune sanction aux termes de sa circulaire.

Il convient d’être particulièrement prudent sur ce point, comme pour les matières avec représentation obligatoire, même si la Cour de cassation est très protectrice des intérêts des parties dans les matières sans représentation.


2.2- Secundo, s’il existe une obligation de mentionner les chefs du dispositif du jugement critiqué, l’article 933 nouveau du code de procédure civile précise qu’à défaut d’une telle mention, la cour est réputée saisie du tout.

Pour sa faciliter la tâche, il conviendra dans le cadre d’un tel appel de faire l’économie des mentions du dispositif du jugement, afin que la saisine de la Cour soit la plus large possible.

Le texte du décret lui-même induit une absence de sanction.

Le législateur a entériné là la jurisprudence, antérieure au décret, de la Cour de cassation

Cf. 2e Civ., 29 septembre 2022, n° 21-23.456.


2.3- La notion d’indivisibilité du litige disparaît également.

 

3- LES SOLUTIONS POSSIBLES POUR CORRIGER l’ACTE d’APPEL VICIE

L’élément prépondérant à mémoriser et que l’effet dévolutif ne découle que de l’acte d’appel et que les premières conclusions ne permettent ensuite qu’une légère inflexion de celui-ci.

A défaut de dévolution, la Cour d’appel s’estime non valablement saisie. Elle peut, le plus souvent, relever d’office cette difficulté.

Le Conseiller de la mise en état ou le Président de chambre peuvent également être saisis d’un incident de caducité de l’appel.


3.1- Ainsi, si la déclaration d’appel omet :

Soit de mentionner l’objet de l’appel (en qu’il induit une demande d’infirmation / ou d’annulation),

Soit de mentionner les chefs critiqués du dispositif de la décision attaquée,

il convient alors de déposer une seconde déclaration d’appel rectificative et ce, avant l’expiration du délai pour conclure.

La Jurisprudence l’autorisait d’ailleurs déjà antérieurement.

Cf. 2ème Civ. 30 janvier 2020 pourvoi n°18-22.528
Cf. 2ème Civ. 25 mars 2021 pourvoi n°20-12037 (pour la seule mention : réformer le jugement)

Il s’agit cependant de prendre considération le délai pour conclure qui court à compter de la première déclaration d’appel incomplète, cette première déclaration d’appel conservant son effet interruptif du délai pour interjeter appel.

Il faut bien sur s’abstenir de tout désistement du premier appel, puis solliciter la jonction des deux (ou trois…) appels formés successivement.


Sur cette question, Il faut cependant espérer que la Jurisprudence ne revienne pas sur sa position précédente, en y voyant là une pratique contra legem de la réitération d’un second appel sur un premier incomplet ne déférant pas l’affaire à la Cour, les textes ne la prévoyant pas.

Le conseil qui peut être donné est donc de régulariser cette seconde déclaration d’appel (cette fois avec l’ensemble des mentions requises) - si possible - dans le délai pour former appel et non pas seulement dans le délai pour conclure en appel.


3.2- Si la déclaration d’appel est seulement incomplète concernant les « chefs critiqués du jugement », l’appelant pourra compléter ces chefs dans le cadre de ses premières conclusions au soutien de l’appel (article 915-2 du code de procédure civile).

Dans ces circonstances, Il n’apparaît pas nécessaire de régulariser une nouvelle déclaration d’appel.

Mais la jurisprudence va assurément se développer pour apprécier le droit à compléter une première déclaration d’appel.

Quid notamment d’une unique saisine de la Cour avec une déclaration d’appel et des chefs évoqués ne portant que sur l’article 700 ou sur sans lien avec le complément figurant ensuite aux conclusions ?

 

Dans ces circonstances et au vu des multiples interrogations posées, la vocation simplificatrice de la réforme sera-t-elle accomplie ? Chacun appréciera…

 

 

Maître Alexis Devauchelle

Avocat spécialiste de l'appel

81 Boulevard Alexandre Martin

45000 ORLEANS

avocat-devauchelle@orange.fr

 

Publié le 08/11/2024

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